En novembre 1942, les Basses-Pyrénées (actuel département des Pyrénées-Atlantiques) subissent l’occupation allemande, une intrusion brutale qui provoque une mobilisation intense des habitants.
La résistance s’organise entre réseaux clandestins, sabotages et combats, menant à la libération en août 1944. Retour sur une période marquée par le courage et le sacrifice qui a bouleversé ce territoire jusqu’à sa libération tant attendue.
L’occupation : Un changement Radical dans la Vie des Basses-Pyrénées
Dès le 11 novembre 1942, les troupes allemandes franchissent la ligne de démarcation qui séparait la zone libre de la zone occupée. Cette invasion est une réaction au débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, survenu trois jours auparavant. Pour les habitants d’Orthez et des alentours cette nouvelle présence militaire devient rapidement synonyme de surveillance oppressante et de restrictions de liberté.
La Wehrmacht, les SS, la police et la douane allemandes s’installent dans le Béarn, établissant leur quartier général à Oloron. L’hôtel Lardonère devient la Kommandantur, l’hôtel de France sert de cercle pour les officiers et la Villa Briol abrite la Gestapo. Des postes de douane sont créés à Oloron, Arette et Tardets, tandis que des postes de surveillance sont disséminés le long de la frontière, notamment à Gabas et Lescun. Des chalets, comme à Lourdios et Arette, servent de base aux Gebirgsjäger pour une surveillance permanente. Par un arrêté du 18 février 1943, une zone interdite est instaurée, couvrant 20 communes et soumise à des contrôles réguliers par les douaniers, souvent d’origine autrichienne ou tchèque. Avec près de 4 000 soldats déployés, les allemands imposent leur présence sur tout le territoire béarnais.
La Résistance : la Révolte d’un Peuple contre l’Occupation
Face à cette occupation croissante et à la mise en place du Service du Travail Obligatoire (STO) en 1943, la population commence à s’organiser. Plusieurs formes de résistances émergent, symbole d’un refus de se soumettre : résistance passive, administrative ou encore armée. Les habitants s’unissent pour des actions d’entraide, de sabotage et de lutte armée.
Certaines de ces formes de résistance ont vu le jour dès l’appel du 18 juin 1940, la plupart se sont renforcées avec le temps.
Les Maquis : Fer de lance de la Résistance Armée
Dans les montagnes pyrénéennes, les maquis s’organisent pour mener des opérations visant à affaiblir l’ennemi. Ces groupes de résistants, paramilitaires tel que le Corps Franc Pommiès mais également civils (Francs Tireurs Partisans, Brigades de Guilleros, Armée Secrète) s’installent dans des zones stratégiques pour multiplier les embuscades et les sabotages.
Né en novembre 1942 de l’initiative d’André Pommiès, le Corps Franc Pommiès, une branche de l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée) s’implante en Béarn sous la direction du commandant Carrère. Après l’arrestation des commandants Jean de Riquer, secrétaire de la mairie d’Oloron, et Camou à Bilhères, en 1944, une partie de ses membres intègrent l’Armée Secrète, notamment au maquis du Laring.
Les Francs-Tireurs Partisans (FTP), créés par le Parti Communiste Français en avril 1942, s’établissent dans la forêt du Baget près d’Oloron sous la direction d’Etienne Martin, dit Valmy, de Félix Urban et de Jean Saliou. Ce maquis, baptisé Guy Moquet au printemps 1943, rassemble jusqu’à 35 résistants d’horizons divers : communistes, patriotes sans étiquette, juifs, catholiques, réfractaires au STO. Parmi eux, Hans Serelman, un médecin juif et membre du Parti Communiste allemand, interné à Gurs, apporte son expertise médicale. Il trouvera tragiquement la mort au cours des combats pour la Libération.
Fondée dès 1940 par Ambroise Bordelongue (1888-1971), l’Armée Secrète est l’organisation résistante la plus importante en Béarn. Elle est à l’origine de nombreux maquis, tels que ceux du Barétous dirigés par Jean-Marie Lonné-Peyré (1915-2004), du Laring, d’Estialesq, de la vallée d’Aspe, du Haut-Ossau, de Rébénacq, de Bescat, d’Arudy et de Laruns.
Les Actes de Résistance qui Ont Contribué à la Libération
Entre mai et juillet 1944, les actions de résistance s’intensifient : parachutages d’armes, sabotages des voies ferrées et harcèlements constants des des soldats allemands. Ces actes de rébellion sont souvent suivis de répressions violentes de la Wehrmacht, aboutissant à des massacres, notamment à Buzy, au Bager d’Oloron et au Pée-de-Hourat.
Malgré les représailles, les résistants continuent leurs actions courageuses. Le 27 juillet 1944, les premières troupes allemandes basées à Arette commencent à se replier. Sur ordre du général Koerig et sous la direction du commandant de Carrère, le Corps Franc Pommiès mène, le 15 août, plusieurs actions pour bloquer la retraite des allemands vers l’Espagne. Les combats à Geüs d’Oloron et à Issor infligent de lourdes pertes à l’ennemi.
La Libération : Une Victoire Gagnée par la Résistance
Les efforts de résistance aboutissent enfin. Le 21 août 1944, les garnisons allemandes basées dans les Pyrénées-Atlantiques reçoivent l’ordre de retrait par l’état-major de la Wehrmacht.
La tension monte, ce même 21 août, lorsqu’une partie de la garnison allemande de la vallée d’Aspe tente de quitter la région en direction de Tardets, via Arette. Sous l’œil vigilant des maquisards de l’Armée Secrète, notamment de Jean-Marie Lonné-Peyré, les soldats allemands parviennent à traverser le village sans déclencher d’affrontements ouverts. Un seul incident vient ternir ce passage : la confiscation de l’appareil photo d’une habitante par les soldats. Un souvenir encore encré dans les mémoires !
Les villages, auparavant sous haute surveillance, commencent à se libérer. Grâce à la coordination entre la 10e brigade de Guérilleros et l’Armée Secrète du Haut-Ossau, les forces allemandes sont rapidement délogées de la haute vallée d’Ossau. Le 22 août, les garnisons des Eaux-Bonnes et de Gabas capitulent sans opposer de résistance, marquant ainsi une victoire rapide et sans effusion de sang. Les 75 allemands sont faits prisonniers et conduits à Pau.
Le lendemain de la libération de la Haute-Vallée d’Ossau, la garnison allemande d’Oloron tente de s’échapper en direction de l’Espagne. Interceptée à Bedous par les forces de la résistance, notamment les Guérillerosau sud et le Corps Franc Pommiès ainsi que l’Armée Secrète au nord, la colonne allemande tente de forcer le passage au pont de Cebers à Urdos. Malgré des combats acharnés, les résistants parviennent à les repousser, infligent de lourdes pertes à l’ennemi. Les soldats allemands rescapés sont finalement récupérés par leurs camarades aux Forges d’Abel. Simultanément, dans un autre secteur, la garnison du Fort du Portalet, encerclée, donne sa réddition à l’instituteur de Borce, Jean Dutech, par le biais de Julie Lestremeau, cuisinière du Fort.
« Le département recouvrait la liberté dans une explosion d joie et un enthousiasme indescriptible. En quelques instants, dans les villes principales et jusque dans les plus petits villages, tous les pannneaux indicateurs des services allemands, tous les protraits d’Hitler et de ses complices, collaborateurs compris, sont arrachés, pillés, détruits, incendiés. Simultanément, les drapeaux français, anglais, américains, belges, russes sortis on ne sait d’où ornaient les édifices publics, magasins, les immeubles particuliers. Partout du bleu, du blanc et du rouge et des vivats à l’honneur de la République, les France, les Alliés. » – Louis Poullenot, fonctionnaire à la Préfecture de Pau (1913-2011)
Un Nouvel Espoir pour les Pyrénées-Atlantiques et pour la France
Le départ des troupes allemandes donne lieu à une explosion de joie dans les villes et villages des Pyrénées-Atlantiques. Les symboles de l’occupation sont détruits et les drapeaux français, anglais et alliés ornent les rues. La liberté retrouvée représente bien plus qu’une fin de guerre : elle incarne un nouveau départ pour toute une génération.
Les élus locaux, tels que ceux constituant le conseil municipal de Géronce, s’engagent dans la reconstruction sous l’impulsion du général de Gaulle. Ce retour à la paix exige un rétablissement progressif de la vie civile et économique, une tâche qui s’étendra sur plusieurs décénnies, marquant une véritable renaissance pour le territoire.
Cet article retrace la force de la Résistance béarnaise, un combat de l’ombre qui permit la libération et redonna espoir à une population opprimée. Ces actions héroïques continuent d’inspirer la mémoire collective et rappellent le courage de ceux qui ont lutté pour la liberté.
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