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Une histoire béarnaise : Marie-Pauline Larrouy

“Jeudi dernier a eu lieu dans la grand’ salle de la Mairie la distribution des prix aux élèves de l’Institution des sourds-muets de notre ville. (…) Malgré l’heure matinale, l’assistance était assez nombreuse ; plusieurs dames étaient venues témoigner de leur vif intérêt pour l’œuvre si utile à laquelle Mlle Larrouy consacre depuis plusieurs années tant d’intelligence et de dévouement. Elles ont pu juger des progrès réalisés, en voyant les plus avancés des élèves interpréter dans leur langage silencieux les plus belles fables de notre grand Lafontaine; les gestes étaient si naturels et si expressifs que l’on croyait entendre le dialogue ou le récit. Les morceaux finis, les petits acteurs cherchaient à lire dans l’attitude du public l’impression produite, et, en constatant leur succès un sourire de bonheur venait éclaircir et épanouir leur visage d’ordinaire un peu mélancolique.”

Il nous semble que cet extrait, tiré d’un journal local, remplace tous les mots que l’on aurait pu essayer de trouver pour introduire cette histoire. L’histoire incroyable d’une Grande Dame.

Une dame dont le cœur est aussi immense que sa détermination et son courage. La connaissez-vous ?

 

La création de la première école des sourds-muets du département

A la fin du XIXe siècle, c’est à Oloron que Marie-Pauline Larrouy (1834-1919) crée une école des sourds-muets en 1879 dont elle sera directrice jusqu’en 1901.

L’histoire de cette béarnaise hors du commun est retracée par Marie-Hélène Bouchet dans les années 2010. Après de nombreuses recherches, cette ancienne professeure d’histoire-géographie à l’Institut National des Jeunes Sourds de Bordeaux édite une biographie « Marie-Pauline Larrouy : sourde et décorée ».

Marie-Pauline Larrouy, sourde et muette de naissance, voit le jour à Pau en octobre 1834. Dès l’âge de 9 ans, elle intègre l’Institution Nationale des Sourds-muets de Bordeaux.

Élève brillante pendant six ans, elle devient monitrice sourde-muette en secondant la Mère supérieure dans trois classes. Toujours avec un statut d’élève, elle bénéficie d’une bourse versée par le département des Basses-Pyrénées. Seuls les élèves les plus doués peuvent la percevoir, la durée maximale d’étude étant de six ans. En 1852, elle devient monitrice rétribuée et même si elle est la seule à être rémunérée, elle ne sera jamais professeur… Bien que passionnée par son métier, elle démissionne en 1869.

En 1879, Marie-Pauline Larrouy ouvre une école mixte à Oloron (rue Champêtre, actuelle avenue de Précilhon) et bénéficie pour cela d’aides des conseils municipaux d’Oloron, de Pau et du Conseil Général.

Le 19 août 1882 paraît un article dans le journal local Le glaneur d’Oloron intitulé “ L’école des sourds-muets d’Oloron”. Riche en renseignements, il nous indique que « Melle Larrouy atteinte de surdi-mutité est pourvue des brevets nécessaires… » et que « tout dans cette école respire l’ordre et la propreté et témoigne d’une direction intelligente… ». Nous apprenons aussi toute la difficulté de créer une telle école et de la précarité d’une telle entreprise : « Ses élèves n’étaient pas nombreux et le loyer de 150 francs formait une lourde charge dans le budget ». Cependant cet article se termine sur une note optimiste en mettant en avant l’existence d’allocations/bourses versées aux élèves en prédisant que “l’école serait rapidement peuplée d’un grand nombre d’élèves… ».

Quelques années plus tard, le 1er août 1885, un autre article du Glaneur d’Oloron, très élogieux, va confirmer cela. C’est à l’occasion de la remise des prix aux élèves de l’institution que l’on apprend : «L’institution d’Oloron étant le seul établissement d’éducation des sourds-muets dans notre département est tout naturellement désigné pour profiter des sommes inscrites au budget du Conseil Général pour l’entretien des boursiers… » et que chose faite « c’est l’existence assurée pour l’institution d’Oloron… ». A cette occasion, Félix Bouderon, conseiller général, fait un discours en soulevant la nécessité de l’existence d’un tel établissement et le travail de Pauline Larrouy qui « Il y a quelques années , sans autre appui que sa volonté, sans autres ressources que son inépuisable charité [ …] Melle Larrouy ouvrit à Oloron une école … » ; et de souligner que « les débuts furent modestes et durs comme le début de toute œuvre durable… » ; et de noter le progrès des enfants et « le langage mimique à l’aide duquel les jeunes sourds et muets sont initiés à leurs études et qui leur permet de se faire comprendre de tout le monde, fait l’objet d’un enseignement spécial donné par la Directrice … ». Deux ans plus tard, l’école compte une vingtaine d’élèves.

Et … seule femme sourde décorée !

 

Son travail, son abnégation et dévouement sont récompensés une première fois en 1887 lorsqu’elle reçoit le prix de vertu de l’Académie française et en 1889 lorsqu’elle devient Officier d’Académie, pour être ensuite promue, en 1913, Officier de l’Instruction Publique, seule femme sourde à être décorée !

En 1901, la prédominance de la méthode orale, imposée par le congrès de Milan en 1880 et le congrès international de Paris en 1900, pousse le Conseil Général des Basses-Pyrénées à ne plus soutenir cette école unique et atypique dans le département. Pauline Larrouy se voit donc contrainte de fermer son établissement, d’autant plus affectée par des problèmes de santé.

Elle recevra désormais 800 francs au titre des secours afin de terminer décemment sa vie à Oloron où elle décède le 6 juin 1919.

L’exposition “Mouvements” à la Villa Bedat, encore en place jusqu’au 25 juin 2022, regorge de ce genre de pépites qui font notre passé.

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