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Quand le pastoralisme monte sur scène !

Le pastoralisme représente à ce jour encore une pratique toujours très vivante dans nos vallées béarnaises.
Aujourd’hui, pourtant, on va vous faire sortir de nos murs. Ailleurs, par delà le monde. Quelque part où tout est pareil, mais
différent à la fois.
Retour sur une soirée exceptionnelle programmée par l’Espace Jéliote, en mai, à Saucède et sur des mots précieux recueillis par Anaïs !

Alain Larribet : entre le béarn et l’ailleurs

On dit de lui que c’est un artiste “authentique”. Alain Larribet, musicien béarnais, retrace son parcours de vie et les récits de pastoralisme qui l’ont marqué dans un spectacle émouvant, Le Berger des sons.
On a souhaité discuter avec lui, pour qu’il nous raconte encore des histoires de bergers, venues de la Vallée d’Aspe et du bout du monde. Et pour glaner au passage quelques conseils de vie.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Alain Larribet, enfant de paysans, neveu de berger. Toute mon enfance, je la passe à la ferme. À 17 ans, je pars faire d’autres métiers. Et à 30 ans je me mets à faire de la musique, pour aujourd’hui devenir, à 56 ans, un musicien professionnel qui voyage à travers la France et le monde.
De quelle envie est né le Berger des sons ?
L’envie de retrouver mes racines, revenir à l’essentiel.
Partager cette histoire, mon histoire. Celle d’un homme qui défie un destin tout tracé pour embrasser son propre chemin.
En revenant sur mon histoire, j’apprends à me connaître.
Dans le spectacle, tu joues d’instruments venus du monde entier. Comment est-ce que tu as appris à en jouer ?
Pour certains, j’ai appris dans leur pays. Pour d’autres, c’est grâce à la rencontre de musiciens. Mais je n’ai jamais voulu apprendre comment on jouait exactement dans tel pays, à part pour les percussions. J’ai voulu faire mon propre plat, en quelque sorte, en prenant des épices du monde. Des fois ça marche, des fois c’est un peu cramé… ça fait partie de la vie. Mais je ne joue pas comme un Arménien, comme un Chilien, comme un Chinois, de ces instruments qui viennent de chez eux, je ne pourrai jamais jouer comme eux. Je joue comme un Béarnais.
Qu’est-ce que les voyages t’ont appris sur le pastoralisme ici et ailleurs ?
D’abord, qu’on peut avoir des brebis dans le monde entier, mais qu’on ne les élève pas de la même façon. On n’a pas le même regard sur la bête. La terre n’est pas la même. Quand on élève une brebis dans les déserts, il n’y a pas beaucoup d’herbe. Les bergers au Maroc, par exemple, leur cabane c’est quatre pierres et une bâche en plastique, tout simplement. Mais, partout, on retrouve cette image de l’homme au milieu de son troupeau, qui observe et surveille, comme un peintre. L’homme avec son bâton, le chien, et les moutons autour.
Au fil du spectacle, on sent un ancrage extrêmement fort dans la vallée d’Aspe. Et à la fois une grande envie d’ailleurs. Est-ce que tu peux nous parler de cet apparent paradoxe ?
Un jour, un Peul m’a dit « si tu regardes un arbre, tu verras l’humanité. » Je demande pourquoi. « Un arbre, il a des racines. Et plus il aura de racines, plus il pourra construire son tronc. Et plus il aura un beau tronc, plus il pourra construire des branches, pour trouver la lumière, pour aller au-delà. »
À 48 ans, je suis revenu sur mon histoire, je me suis posé pour savoir qui j’étais. Mais ce sont aussi les voyages qui m’ont amené à mieux me connaître : apprendre de l’autre, pour apprendre de moi. Ça n’empêche pas d’avoir des racines, de parler béarnais. L’été dernier, je faisais le fromage avec mon ami Fred au-dessus de Laberrouat et j’allais traire les brebis. C’est avoir les pieds dans la terre et la tête dans les étoiles.
Tu as toujours eu cette envie d’ailleurs ?
Tout le temps, depuis que je suis enfant. Et j’ai toujours la même soif d’aller à l’étranger.
J’adore rencontrer des gens. Voir la vie spirituelle, les coutumes, comment on s’assoit, de quoi on peut rigoler, d’autres façons de manger… et la musique, bien sûr, découvrir de nouveaux instruments.
Tu racontes l’estive étant petit, y es-tu retourné ?
Oui, bien sûr. Dès que je peux, j’y remonte. Là, j’ai prévu de partir huit jours avec un berger en montagne.
Qu’est-ce qui te plaît tant ?
Plein de choses. De te ramener à qui tu es : un humain, parmi les autres, comme le boulanger, comme le paysan. Quand tu es au milieu de la montagne, tu es là. Elle t’enveloppe, et si elle appuie un peu trop fort, tu n’existes plus. Et elle te respecte, alors respecte tout ce qui est autour de toi.
C’est un besoin, que j’y aille avec les bergers ou seul. Tout seul, je prends toujours mon bâton et j’ai souvent un instrument de musique dans mon sac, pour aller jouer avec les oiseaux, ou bien écouter le vent et jouer d’un strumstick (une petite guitare).
Où recommanderais-tu d’aller pour quelqu’un qui a envie de connaître cette culture du pastoralisme ?
D’aller passer deux ou trois jours à côté d’un berger. Le voir se lever à 5h du matin, aller traire 200 brebis à la main, faire le fromage l’après-midi… C’est bien d’aller voir ce métier. C’est tellement beau d’observer. Avec son cœur, pas qu’avec le mental. J’ai un ami qui travaille au parc régional des Landes, il emmène une quinzaine de personnes pour aller passer huit jours avec un berger. Elles apprennent le métier, ils observent et participent. C’est tellement riche.
Et des événements, dans le coin ?
Il y a la fête des bergers, à Aramits. Pour quelqu’un qui n’a jamais vu ça, de voir comment un chien, juste au sifflet ou au doigt, va chercher les brebis et les ramène, je trouve ça beau. On est dans du spectacle, mais c’est beau le spectacle, j’en fais (rires). Si tu veux aller un peu plus loin, quand tu te promènes dans la montagne l’été, tu peux aller voir à la source, voir les bergers qui sont là.
Un conseil qu’on t’a donné en tant qu’artiste, et qui te reste en tête ?
Ce que tu fais, si ça vient du cœur, ne le retiens jamais.
Pour finir, que te reste-t-il de ce moment, à Saucède ?
Je n’ai pas souvent le trac avant de monter sur scène – juste quelques secondes où le ventre est un peu noué parce que ce n’est pas rien de te présenter devant du monde. Mais là j’étais au pays, je venais parler de mon intimité. Un ami qui était là m’a même dit qu’il a appris des choses sur moi. Ça m’a beaucoup touché d’entendre ces applaudissements, de voir les gens debout. Et Murray Head était là, quelqu’un qui m’a fait confiance il y a quelques années de ça… C’était une date importante de l’année pour moi. Du bonheur à l’état pur. Celui de l’amour, qu’on cherche tous à notre façon.
Merci Alain pour ces réponses. Pour suivre les aventures du Berger des sons, on vous donne rendez-vous sur son site.
Entretien réalisé le 23 mai 2022.

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