
Les premiers architectes apparaissent dans l’histoire au Ve siècle av. J.-C. chez Hérodote ; pourtant, les traces les plus anciennes se dessinent en Mésopotamie et en Égypte. Imhotep, vizir du pharaon Djoser (vers 2600 av. J.-C.), invente la pierre taillée, développe l’usage des colonnes, et signe la pyramide à degrés de Saqqarah. Dans la Grèce antique, Hérodote, Pausanias, Platon, Aristote citent des architectes, polyvalents, chargés d’espaces publics, de temples ou de projets civiques : l’architecte, d’abord au service du collectif, exerce ensuite à titre personnel, via contrat ou fonction publique. Les maîtres d’œuvre, animant le bâti quotidien, demeurent discrets dans les archives.
Rome pousse plus loin le concept d’architecte, mais, paradoxalement, ignore l’architecture du quotidien. Vitruve — Marcus Vitruvius Pollio, architecte et ingénieur à la cour d’Auguste (env. 80 av. J.-C. – vers 15 av. J.-C.) — rédige « De architectura », synthèse des savoirs grecs et des innovations romaines. Ce traité élargit les domaines : modes constructifs, matériaux, ordres classiques, et surtout les qualités fondamentales du bâti : force, utilité et beauté, tout en considérant l’architecture comme une science à acquérir par la théorie et la pratique. Si « De architectura » influence l’architecture médiévale malgré la disparition des savoirs au Ve siècle, il irrigue les constructions religieuses grâce à quelques exemplaires conservés, puis inspire les rénovations carolingiennes où le maître d’ouvrage domine encore la chaîne de décision. À partir du XIIe siècle les maîtres-maçons réapparaissent, les rôles se clarifient peu à peu sur les chantiers gothiques : il reste que les textes citent davantage les maîtres d’ouvrage que les architectes.

La Renaissance puise dans l’Antiquité et chez Vitruve les fondations de l’art de construire nouveau. En Italie puis partout en Europe, la symétrie, la proportion, l’équilibre s’imposent, fondés sur les cinq ordres gréco-romains (dorique, toscan, ionique, corinthien, composite), tandis que l’architecte devient savant, technicien et artiste à la fois. Ce vent d’innovation traverse les Alpes : Léonard de Vinci est invité par François Ier, Philibert Delorme, Pierre Lescot et Jean Bullant fondent une tradition française. Les architectes Salomon de Brosse, Jacques Lemercier, François Mansart, Louis Le Vau, Jules Hardouin-Mansart, œuvrent auprès des rois et de l’Église, tandis que l’habitat courant, plus discret, revient aux maîtres d’œuvre locaux.

Au XIXe siècle, la Révolution industrielle bouleverse codes et matériaux : la bourgeoisie attend des styles nouveaux, l’éclectisme s’affirme, mêlant inspirations antique, orientale, médiévale, gothique. Vitruve n’est plus la seule référence. L’architecture devient moderne, multiforme, elle façonne la ville contemporaine.
En somme, si l’histoire de l’architecture se lit au prisme de « De architectura », c’est bien pour l’influence qu’a pu avoir ce texte — porte ouverte vers la réflexion, le dialogue entre le passé et le présent. D’Imhotep à l’urbanisme du XXIe, bâtir reste un art de penser.
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